La « faim invisible » frappe deux milliards d’humains
Encore aujourd’hui, une personne sur huit, et même un enfant sur six, souffre de la faim dans le monde. « Seize pays continuent d’afficher un niveau de faim “extrêmement alarmant” ou “alarmant” », alerte l’Institut International de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri) qui publie lundi
13 octobre, à trois jours de la journée mondiale de l’alimentation,un été des lieux de la faim dans le monde.
Ce
centre de recherche international basé à Washington établit chaque année un
indice (Global hunger index, GHI) qui mesure le niveau de la faim, à partir des
données de mortalité infantile, de sous-alimentation et d’insuffisance
pondérale infantile pays par pays. L’évolution globale de cet indice montre une
nette amélioration depuis 1990 sur le front de la faim dans le monde mais
malgré ces progrès « le niveau de la faim dans le monde demeure grave »,
insiste l’Ifpri.
L’ÉRYTHRÉE ET LE BURUNDI DANS
UNE SITUATION EXTRÊMEMENT ALARMANTE
«
Le nombre d’individus souffrant de la faim a diminué au cours des 25 dernières
années parce que la sous-alimentation a enregistré un fort recul dans de grands
pays tels que la Chine, l’Inde, l’Indonésie ou encore le Vietnam. Mais il reste
des pays où la situation s’améliore peu et il s’agit de pays où la croissance
démographique reste élevée et qui de surcroît ont un milieu naturel fragile »,
souligne Marie-Noëlle Reboulet, du Groupe énergies renouvelables, environnement
et solidarités, association qui s’intéresse notamment aux incidences du
changement climatique sur le développement. « Dans ces pays le changement
climatique vient rendre les populations plus vulnérable encore »,
insiste-t-elle.
La
moyenne mondiale masque de fait d’importantes disparités entre pays et régions.
Parmi les seize pays les plus gravement affectés, deux, l’Erythrée et le
Burundi, présentent une situation « extrêmement alarmante ». En Afrique
subsaharienne, si depuis 2000 les taux de mortalité des enfants de moins de 5
ans ont diminué, la situation demeure extrêmement précaire, observe l’Ifpri. L’Afrique
subsaharienne détient le score GHI régional le plus élevé, suivi de près par
l’Asie du Sud. C’est dans ces deux régions que se situent la quasi-totalité des
pays dont la situation est jugée « alarmante ». En Afrique subsaharienne, un seul
pays, le Ghana, a fortement diminué ses scores GHI depuis 1990 : insuffisance
pondérale et mortalité infantiles ont baissé de plus de 40 %, tandis que la
proportion de personnes sous-alimentées a été réduite de manière radicale,
passant de 44 % en 1990-1992 à moins de 5 % en 2011-2013.
LA FAIM INVISIBLE SOUVENT
NÉGLIGÉE
Dans
son rapport, l’Ifpri insiste cette année sur le fléau « crucial mais souvent
négligé » de la « faim invisible ». Cette forme de malnutrition survenant
lorsque l’apport ou l’absorption de vitamines et minéraux ou oligo-éléments
(zinc, iode, fer, vitamines A et B) ne suffisent pas à assurer une bonne santé
et un bon développement, touche plus de 2 milliards d’individus, soit plus du
double des 805 millions de personnes sous-alimentées, recensées par
l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),
dont les besoins caloriques ne sont pas satisfaits.
Si
les effets de la faim invisible ne sont pas observables à court terme, ils se
révèlent « dévastateurs » à long terme, insiste l’Institut : hausse de la
mortalité maternelle et infantile, handicaps physiques, affaiblissement du
système immunitaires et des facultés intellectuelles. La faim invisible tue
ainsi chaque année 1,1 million d’enfants sur les 3,1 millions qui meurent
chaque année de sous-alimentation.
Au-delà
des conséquences sur la santé, ce fléau « affecte lourdement les économies des
pays en nuisant à la productivité des populations », affirme l’Ifpri. Elle
amputerait ainsi le produit intérieur brut (PIB) de la plupart des pays en
développement de 0,7 % à 2 %. On estime à 1 % la perte de PIB en Inde et à 2,3
% en Afghanistan.
TRIPLE FARDEAU DE LA
MALNUTRITION
Bien
que la faim invisible pèse en majeure partie sur les pays en développement, les
pays à plus haut revenus et plus urbanisés ne sont pas épargnés : le phénomène
peut y coexister avec le surpoids, voire l’obésité causés par une consommation
excessive de macronutriments (lipides, glucides), souligne l’Ifpri, qui
s’inquiète de la complexité croissante du problème de malnutrition sur la planète.
Les pays en développement abandonnent peu à peu leurs régimes alimentaires
traditionnels à base d’aliments très peu transformés au profit d’aliments et
boisons hautement transformés, à forte densité calorique mais pauvres en
micronutriments, entraînant obésité et maladies chroniques d’origine
alimentaire. « Avec cette transition nutritionnelle, de nombreux pays en
développement, s’alarme l’Ifpri, se trouvent confrontés au “triple fardeau de
la malnutrition” : dénutrition, carences en micronutriments et obésité. »
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