mardi 17 juin 2014

Réhabiliter les terres agricoles...

Journée mondiale de la lutte contre la désertification: «Il existe des solutions pour réhabiliter les sols qui ne coûtent pas très cher»

INTERVIEW - Le délégué général de l’ONG SOS SAHEL décrypte les enjeux et les solutions pour lutter contre la dégradation des terres agricoles….
«La Terre est notre Avenir, préservons-la des changements climatiques». C’est le thème retenu pour l’édition 2014 de la «journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse» organisée ce mardi sous l’égide de l’Onu. La dégradation des terres agricoles, et la pauvreté, la famine mais aussi parfois les violences qu’elle engendre, pourrait en effet pousser quelque 60 millions de personnes à migrer des zones désertifiées de l’Afrique subsaharienne vers l’Afrique du Nord et l’Europe d’ici 2020. Pourtant des solutions existent comme l'explique à 20 Minutes, Rémi Hémeryck, délégué général de l’ONG SOS SAHEL qui œuvre depuis 40 ans pour améliorer les conditions de vie en Afrique.

La désertification s’est-elle accélérée ces dernières années?

Oui, la désertification continue, notamment en Afrique où se trouve aujourd’hui 70 % de l’importante surface des terres dégradées. Cela s’explique principalement par les sécheresses répétitives observées ces dix dernières années sous l’effet du réchauffement climatique: aujourd’hui la saison des pluies est plus courte et irrégulière. Il peut pleuvoir 100 à 200 ml/pluie à raison de seulement trois averses dans certaines zones qui connaissent du coup des inondations alors que d’autres font face à la sécheresse. Mais le phénomène s’explique aussi par de mauvaises pratiques culturales: la déforestation a privé les terres cultivées de couvertures végétales, les temps de repos ne sont plus respectés, ce qui diminue le rendement des terres années après années. Au final, la terre perd tous ses éléments nutritifs et toute sa matière organique: elle ressemble à du béton de couleur de rouge. Le sol devient lunaire.

Et les populations souffrent?

Oui cela a un impact sur la sécurité alimentaire. Et à partir du moment où les populations ne peuvent pas vivre dans leurs campagnes et sont obligées de migrer cela peut contribuer à créer une grande instabilité politique.

Que faire?

Malgré tout il existe des solutions pour réhabiliter les sols qui ne coûtent pas très cher: Pour 200 à 250 euros/ha on peut multiplier leur rendement par deux. Cela passe par des moyens mécaniques pour conserver l’eau avec des digues anti-érosives ou encore la technique du «zaï» qui consiste à casser la croûte d’un sol de glacis très érodé sur une profondeur de 20/30 cm pour y apporter des matières organiques, comme des déjections animales. On peut ensuite y planter des graines pour obtenir une nouvelle couverture végétale.

L’Onu préconise une «adaptation écosystémique» des terres agricoles dégradées. En quoi cela consiste-il?

Oui tout à fait, il faut envisager des solutions plus systémique: il faut recréer les conditions du milieu en restaurant les sols, en améliorant les pratiques agricoles mais aussi en permettant aux producteurs de stocker et de vendre leur production pour en tirer un revenu. Cela passe notamment par des formations, l’introduction de nouvelles espèces existant localement et le développement d’une diversité de production permettant de ne plus vivre seulement de monoculture et réduire les risques alimentaires. Remettre l’arbre dans les cultures permet par exemple de redonner de la fertilité à la terre, mais aussi de fournir d’autres aliments (comme le Moringa Oleifera dont les feuilles peuvent servir à rendre l’eau pure mais apportent aussi diversité et vitamines dans l’alimentation familiale même en période de sécheresse) ou même une source alternative de revenus (comme l’Acacia senegal qui produit de la gomme arabique utilisée dans de nombreux produits agroalimentaires): valoriser ce type de culture permet d’améliorer la couverture forestière de toute la région du Sahel mais aussi d’assurer la résilience dans les communautés grâce à un revenu additionnel pour faire face aux aléas climatiques ou à l’érosion des sols. Mais ces interventions doivent aussi être plus inclusives en associant l’ensemble des acteurs locaux, les ONG mais aussi les institutionnels et les entreprises pour investir sur le territoire africain. Il y a ce niveau de vrais progrès qui sont faits aujourd’hui.
Claire Planchard pour MCD

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